Villa Dolorosa au Poche
Un succès assuré
Dernier spectacle sous l’orientation de son fringant directeur Mathieu Bertholet quittant Genève pour Zurich, le Théâtre du Poche vient de lancer sa nouvelle représentation Villa Dolorosa ovationnée par le public ! Sous la plume incisive de Rebekka Kricheldof, librement inspirée de Tchekhov, la pièce revient sur les planches en Vieille-Ville après un premier passage, il y a 10 ans ! Elle se rejoue ici, mise en scène par Manon Krüttli. A l’affiche jusqu’au 13 avril 2025, Villa Dolorosa se poursuit joyeusement… La Fête n’est pas finie !
Théâtre de texte, privilégiant les écritures, prêt à offrir leurs chances aux auteurs contemporains poursuivant le questionnement des tréfonds de l’intime où l’imaginaire l’emporte, Le Poche ne craint pas de surfer sur la vague audacieuse de créations singulières… S’inspirant des Trois Sœurs de Tchekhov, la trame de Villa Dolorosa reste dépourvue de rebondissements. Loin de ces fulgurances titillant un sensationnel obligé, indispensable – dit-on – pour exister aujourd’hui. Considéré le plus grand dramaturge russe, Tchekhov se plait à dépeindre des existences plates, remplies de… vide. Sans projets, objectifs ou passions ! C’est ainsi que la pièce de Rebekka Kricheldof se révèle serpentant entre les méandres de vies intérieures sans couleurs. Nues et, si profondément anonymes… La pièce s’ouvre sur un décor d’intérieur rigoureusement géométrique, une bulle réconfortante, imperméable à l’ailleurs et, aux autres… où se vautrent Irina, Macha, Olga, les trois sœurs.
Baignant dans une marée de paroles, chuchotées, répétées, ressassées, encore et encore, comme jetées en pâture pour conjurer l’oubli, l’indifférence ou, l’ennui, elles parlent et, parlent encore, pour ne rien dire. D’ailleurs, y aurait-t-il des choses à dire ? C’est l’anniversaire d’Irina, mais une fête en famille seule n’est pas une fête ! Même si Andreï, le frère écrivain raté y a conviée Janine, l’unique personne en phase ici avec son époque… Les sœurs sont toutes comme en pyjamas, revêtues d’une houppelande des temps jadis, une sorte de robe de chambre longue les enveloppe trainant leur langueur dans une ambiance boudoir. Au sein du ronron rassurant de la Villa, après de longues études et, avec pour seules occupations intellectuelles, aucune d’elles n’est vraiment active. D’ailleurs, définir en ce cercle étroit le sens du travail est une réflexion bien trop complexe… Et, si les sœurs n’ont pas d’obligations, on sent bien que le temps de l’opulence – et des privilèges – est passé.
Avec l’arrivée de Georg, l’ami d’Andreï, ces dames se bousculent et s’animent, surtout Macha dont le mari est plutôt insignifiant. Avec une épouse qui a pris la mauvaise habitude de vouloir se suicider en boucle, le nouveau venu est vite rattrapé par ses problèmes à… répétitions. Plus ça change et plus c’est pareil ! Il n’y a que le jardin de la Villa qui, revêtant ses plus éclatants atours, se métamorphose toutes les saisons. Et tout ce beau monde de le souligner avec force rasades de vodka ! Le public a beaucoup ri même face à des situations qui ne prétendaient pas être hilarantes, la finesse des échanges et des dialogues n’aura pas manqué de susciter des introspections… Et, y voir, peut-être, des concordances… La Fête n’est pas finie, pensez à réserver !